Verlan

Le verlan est une forme d’argot français qui consiste en l’inversion des syllabes d’un mot, parfois accompagnée d’« élision», un type d’apocope, afin d’éviter certaines impossibilités phonologique. C’est en inversant les syllabes de la locution adverbiale à l’envers que le terme de verlan a été créé. Aussi parle-t-on de formes verlanisées pour caractériser les vocables issus du verlan. Sans être connues sous le nom de verlan, les formes de métathèses en français les plus anciennes remontent au Moyen Âge et ont commencé à être utilisée par le peuple à partir du XVIe siècle mais l’usage du verlan s’est particulièrement développé à partir de la Seconde Guerre mondiale. Initialement utilisé comme langage cryptique dans les milieux ouvriers et immigrés de la banlieue parisienne, il s’est rapidement répandu à toutes les classes de population, notamment grâce à son usage au cinéma et en musique.

Histoire

Le verlan actuel s’est répandu en français depuis la deuxième moitié du XXe siècle mais l’inversion de lettres ou de syllabes, utilisée afin de créer un effet de style en littérature, date de plusieurs siècles. Cependant, les premières occurrence de verlan utilisées à l’oral afin de créer un langage cryptique, uniquement compréhensible par les initiés, sont difficiles à établir car peu de références historiques existent dans la littérature. Les plus anciennes formes de métathèses et autres jeux de mots attestées remontent au XIIe siècle avec Le Roman de Tristan et Iseut où Béroul transforme le prénom de Tristan en Tantris cependant, il n’est pas établi si de telles formes étaient utilisées dans le langage courant.

C’est ensuite au XVIe siècle et au XVIIe siècle que ces anagrammes et jeux de mots se sont multipliés. En 1690, Antoine Furetière, dans son Dictionnaire universel, donne pour définition de l’article « verjus » « On dit, c’est verjus ou jus vert pour dire : c’est la même chose », représente la forme la plus ancienne pouvant être assimilée avec certitude à du verlan. D’autres exemples apparaissent ensuite régulièrement dans la littérature

C’est au cours des années 1800 que l’utilisation du verlan dans la communication orale apparaît. Dans Les Sources De L’Argot Ancien, Lazare Sainéan rapporte le cas d’une lettre de bagnard surnommé « La Hyène » ayant daté sa lettre par « Lontou, 1842 » au lieu de Toulon, indiquant que le verlan était utilisé dans le milieu carcéral. Tout au long du XIXe siècle, l’usage d’argot tels que le verlan ou le Loucherbem se répand dans le langage des prisonniers, des forçats et de la pègre (Natalie Lefkowitz 1991).

Certains auteurs suggèrent que l’usage du verlan a connu une recrudescence durant l’Occupation (Natalie Lefkowitz 1991) mais ce n’est qu’à partir des années 1970 que son usage s’est répandu, l’apparition du terme verlan était elle-même datée à 1950.

Parlé à l’origine dans les banlieues françaises, le verlan est aujourd’hui employé en France et popularisé par certains chanteurs, comme Renaud dans Laisse béton, 1978 mais surtout par les nombreux groupes de rap français, comme NTM ou Assassin, mais aussi quelques cinéastes (Claude Zidi, Les Ripoux, 1984).

Jacques Dutronc avait utilisé du verlan en 1971 : J’avais la vellecère qui zéfait des gueuvas (J’avais la cervelle qui faisait des vagues). À l’époque, la chanson passa inaperçue.

Au cours des années 1970 et 1980, le verlan est couramment parlé dans les banlieues. Il a été constitutif d’une identité des habitants de ces banlieues. Après les blousons noirs (vêtement porté par les rockers et ancien synonyme de voyou) qui semblent avoir colporté ce langage des temps anciens, la nouvelle génération des jeunes de banlieues, se sont approprié celui-ci, en l’intégrant à leur culture.

Le début des années 1990, marqué par l’émergence du mouvement hip-hop, représente le début d’une réintroduction massive du verlan dans le langage parlé en France et surtout au sein des nouvelles générations. L’essor du rap a fortement contribué à la dissémination du verlan dans la population française Le verlan a permis aux amateurs de rap et aux rappeurs à la fois de se démarquer et d’apporter une nouvelle identité plus marginale. Les textes rappés sont parfois des laboratoires du verlan : ils sont basés davantage sur le rythme et le ton que sur les harmonies, les allitérations sont omniprésentes, ce qui pousse les rappeurs à inventer au besoin des mots ou de populariser des mots en verlan encore peu connus.

Des groupes comme NTM, Sages Poètes de la Rue ou encore le Ministère AMER, précurseurs de la scène rap française, sont les principaux acteurs du retour du verlan dans le pays. Leurs contributions ont porté autant sur les néologismes verlanisés que sur le rétablissement d’anciens termes déjà utilisés.

En 2004, un certain verlan (essentiellement constitué d’un vocabulaire) a fini par être plus ou moins compris et utilisé par toutes les couches de la société, ce qui en fait un langage en cours de démocratisation loin de son image plutôt marginale initiale. Toutefois, il existe quelques poches géographiques dans lesquelles un verlan très « pur »/ »dur » est utilisé quotidiennement. Un tel langage associé à un accent particulier est assurément incompréhensible au non initié et rempli ainsi la fonction première d’un argot : ne pas être compris des non initiés.

Le développement des nouveaux moyens de communication, le SMS en tête, a rendu pratique le verlan, notamment en raison du caractère raccourci des formes verlanisées bien plus rapides à taper sur des claviers que leurs équivalents dans la langue française officielle. Cela a conduit des représentants de couches sociales moyennes et élevées, grands consommateurs de ces nouveaux outils personnels de communication, à utiliser le verlan et à le comprendre.

Exemples
Le tableau ci-dessous récapitule et donne des exemples d’une telle formation (la case est laissée en blanc lorsque la modification ne s’applique pas au mot)

mot initial Modif. dern. voyelle Découpage Inversion Troncation
Herbe Herbeuh Her-beuh Beuh-er Beuh
Bizarre Bi-zar Zar-bi Zarb’
niquer ni-quer ké-ni kénn’
moi m-oua ouam
poil p-oil oil-p oilpé
flic flikeuh fli-keuh keuh-fli keuf
ça ç-a ass
choper cho-pé pé-cho
cigarette ci-garette garette-ci garo
discret discreu di-screu screudi screud’
arabe arabeuh ara-beuh beuh-ara beur
énervé énerv’ éner-v vénère
« n’importe » « quoi » « nimport’ » « quoi » « nin-port’ » « k-oi » « portnin » « oik » « portna » « wak »

Application à des expressions
Le procédé décrit ci-dessus peut s’appliquer non seulement à des mots, mais aussi à des expressions. Ainsi, « comme-ça » peut se traduire par « ça-comme » en verlan. De même pour « ce-soir » qui donne « soir-ce ».

Usage récursif
Parfois, l’usage fait apparaître des mots qui sont le verlan d’un verlan. On appelle parfois cette construction un double verlan.

Exemple :

reubeu ou rebeu = beur = « Arabe ».

On retrouve l’ordre des consonnes du mot d’origine, mais les voyelles ont été modifiées. L’autre usage pour « Arabe » étant « rabza ». Féminisé, « rebeu » devient « rebeuze » (équivalent de beurette). feumeu = meuf = « femme »

Entrée dans le langage courant
Le succès d’un mot de verlan peut même faire oublier le mot qui est à son origine.

Exemple :  jobard a donné barjo, mais des jeunes gens qui entendent aujourd’hui jobard, peu usité, y verraient un verlan de barjo.

Source Wikipedia

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